Un passage entre vous et nous, peut-être. Un chemin balisé ? Non, pas tant. Mais un quelque chose, c’est certain.
Un passage est un endroit qui par sa nature même impose de ne pas y rester, mais qui, lui, reste. Un passage est donc toujours un paradoxe entre fixité du lieu et nomadisme du passager. Et peut-être est-ce là une première caractéristique de la littérature : le passager disparaît, mais le passage persiste, comme un trou de ver créé par le langage à travers le temps et l’espace.
Parlons de passages, oui, de …
Une parole. Voilà, peut-être, ce que nous voudrions inventer à l’aide de cette revue. Dans le monde critique actuel, il est parfois délicat de distinguer celui qui a lu, celui qui parle de sa lecture et celui qui participe à l’acte commercial. Parler de littérature contemporaine, c’est en effet pour beaucoup vendre un livre. BookTube, BookSta, BookTok… Les mots se ressemblent autant que les contenus convenus, uniformes et uniformisants qui y circulent et qui donnent de la production littéraire une image redondante. Quelles sont les voix qui, aujourd’hui, interrogent, critiquent, discutent les textes ? Marginales, ce ne sont ni celles des plateformes ni celles de la presse. Avouons que parler vraiment de littérature contemporaine ne rapporte pas grand-chose. Dans cette foule d’éditeurs, de libraires, de représentants et autres partenaires commerciaux, n’est-ce pas se condamner à n’être qu’une voix hurlant dans le désert ? Ami lecteur, tu l’auras compris, nous ne sommes pas de ceux qui prostituent leur plume pour la gloire.
Nous refusons la verticalité du monde du livre. Nous lui préférons l’horizontalité de notre amitié. Une communauté dans laquelle nous te convions, voilà notre indépendance.
L’indépendance est l’état d’esprit de notre revue. Nous valoriserons les manières libres de faire de la littérature. Ni le nombre de ventes ni le nom d’un auteur ne font un bon texte. Nos manières de lire seront donc exigeantes : nous attendons de toi, lecteur, la même vigilance à notre égard. Nous ne te prendrons pas pour un idiot, nous ne nous prendrons pas pour des prêcheurs. Nous attendons de toi ce que nous attendons de nous : dialogue et rigueur.
Convaincus que la littérature donne, à ceux qui écrivent et à ceux qui lisent, le pouvoir de changer la texture même de leur monde, nous prendrons les mots à la lettre car c’est la lettre qui charrie le sens. L’exigence du mot juste nous la cultiverons jusque dans nos écrits, persuadés que critiquer c’est créer et que créer c’est, toujours, renouveler son rapport au réel. Si lire, c’est encore se lire, la bonne lecture n’est jamais que celle qui décale un peu le miroir. Le tain est la forme, le reflet est le sens, et comme le tain peut modifier le reflet ! Nacrée, fissurée, déformante, la matière du miroir informe le reflet qu’il renvoie. Sans tain, point de reflet ; sans forme, point de sens.
Une parole. C'est, lecteur, ce que nous avons voulu te présenter à travers ces lignes.